Le contexte

Quand on parle de santé mentale dans les établissements d’enseignement postsecondaire, on se concentre souvent sur le collégial ou le premier cycle universitaire, oubliant les étudiantes et les étudiants aux cycles supérieurs. Pourtant, il s’avère que les problématiques de santé mentale prennent de l’importance au sein de cette population. Par exemple, une étude effectuée auprès de 2 300 étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs (issus de 26 pays et de 234 établissements d’enseignement) démontre que ceux-ci courent un risque six fois plus grand que la population générale de souffrir de dépression et d’anxiété1. Aux États-Unis, les résultats du National College Health Assessment (NCHA) de 2019 indiquent que parmi quelque 13 000 étudiantes et étudiants inscrits à un programme de cycle supérieur dans une université ou une école professionnelle, 64 % estiment avoir vécu un niveau de stress général « plus élevé que la moyenne » ou « considérable » au cours des 12 mois précédents[1]National College Health Assessment (2019). Retrieved from here.. Le tableau suivant présente les résultats concernant les éléments perçus comme traumatisants au cours de cette période.

Au cours des 12 derniers mois, éléments traumatisants ou très difficiles à vivre:

Pour cent (%)HommeFemmeTotal
Études elles-mêmes38,248,945,6
Problématiques liées à un emploi34,339,237,7
Décès d’un membre de la famille, d’un ami ou d’une amie10,515,513,9
Problèmes familiaux18,329,225,8
Relations intimes25,829,428,5
Autres relations interpersonnelles17,622,825,1
Situation financière25,635,132,1
Problème de santé d’un membre de la famille ou du partenaire13,721,919,3
Apparence physique14,423,720,9
Problèmes de santé15,423,621,1
Troubles du sommeil24,830,729,1
Autre6,38,68,2
Personnes n’ayant sélectionné aucun des éléments précédents33,720,925,1
Personnes ayant sélectionné un seul élément parmi les précédents13,512,412,7
Personnes ayant sélectionné deux éléments parmi les précédents13,513,013,0
Personnes ayant sélectionné trois éléments ou plus parmi les précédents39,253,749,2

NOTE: Les catégories binaires « homme » et « femme » utilisées dans le questionnaire ne rendent pas compte de la diversité des identités de genre des participants.

Parmi les participants et les participantes inscrites à un programme de cycle supérieur dans une université ou une école professionnelle, une étude basée sur les données du groupe de référence canadien du NCHA a démontré des différences significatives entre les 1461 personnes qui avaient des problématiques de santé mentale et les 3291 qui n’en avaient pas. Plus précisément, celles qui avaient des problématiques de santé mentale indiquaient avoir vécu un niveau de stress plus élevé et avoir rencontré plus d’obstacles à leur performance scolaire.[2]Clarke, K. (2019). An Investigation of the Experiences of Graduate Students with a Mental Health Condition (Doctoral dissertation).

L’étude pointe l’isolement social, la crainte par rapport aux perspectives d’emploi et un niveau de dépression et d’anxiété plus élevé que la normale comme des éléments contribuant à la détresse vécue par les étudiantes et les étudiants aux cycles supérieurs. Les conflits avec leur directeur ou leur directrice de recherche représentaient de même une source particulièrement importante de détresse chronique, étant donné leur conscience du déséquilibre de pouvoir inhérent à cette relation et de l’impact potentiel de ces difficultés sur leur carrière. S’ajoutent à cela l’importante charge de travail liée à l’enseignement, à la recherche et aux travaux ainsi que l’évaluation en continu. Pas surprenant que cette accumulation de facteurs de stress puisse entraîner des problématiques de santé mentale ou y être associée, ou aggraver les difficultés préexistantes.

La population étudiante des cycles supérieurs regroupe des personnes aux caractéristiques démographiques très variées (âge, parcours, expérience, culture); quand il s’agit de leur offrir du soutien scolaire ou autre, il faut donc une approche multidimensionnelle en plus des modèles de prestation de services plus traditionnels. Les services professionnels et d’aide psychologique, quoique nécessaires, ne sont pas suffisants pour répondre à leurs besoins, car ces personnes cumulent pour la plupart plusieurs responsabilités financières ou liées à un emploi, à des enfants à charge ou à leur famille. Un peu partout en Amérique du Nord, la réflexion, les enquêtes et les projets sur la santé mentale des étudiantes et des étudiants aux cycles supérieurs s’orientent donc principalement sur des stratégies de soutien offertes précisément à leur intention par les établissements d’enseignement. La communauté universitaire est ainsi invitée à proposer autre chose qu’une simple sensibilisation aux bienfaits des comportements qui favorisent la santé mentale chez les adultes.

Les étudiantes et les étudiants aux cycles supérieurs dépendent de leur directeur ou de leur directrice pour obtenir du financement, de l’aide et de la guidance pour leur recherche. Sans surprise, on souligne que cette relation a une influence déterminante sur leur expérience et on met de plus en plus l’accent sur l’importance d’améliorer les interactions qui ont lieu dans ce cadre.[3]Chiappetta-Swanson, C., & Watt, S. (2011). Good practice in supervision and mentoring of postgraduate students: It takes an academy to raise a scholar. Hamilton, Ontario: McMaster University. Bien sûr, offrir du mentorat de qualité est une habileté que les professeurs et les professeures peuvent acquérir avec le soutien nécessaire. Dans une culture universitaire en transition, on commence ainsi à leur offrir de la formation sur la communication claire et le respect envers les étudiants et les étudiantes, à considérer comme des « collègues débutants »; on y aborde aussi la valorisation de l’équilibre de vie, le parcours universitaire n’en étant qu’un élément. Le directeur ou la directrice de recherche a plusieurs rôles à jouer : on attend de cette personne qu’elle supervise la recherche de ses étudiants et de ses étudiantes, comprenne leurs besoins et leurs priorités, valorise leurs décisions, leur fournisse de la rétroaction constructive dans des délais raisonnables ainsi que des encouragements et du soutien, en plus d’avoir une bonne connaissance des politiques et des procédures de l’université. Il est évident que les étudiantes et les étudiants aux cycles supérieurs vont chercher auprès d’elle un soutien d’une nature différente de celui qu’un service de counseling ou d’aide psychiatrique peut offrir sur le campus.[4]Patel, N. H. (2015). Undergraduate internship program structures for effective postgraduation employability: A case study of a mass media arts internship program.

References

References
1National College Health Assessment (2019). Retrieved from here.
2Clarke, K. (2019). An Investigation of the Experiences of Graduate Students with a Mental Health Condition (Doctoral dissertation).
3Chiappetta-Swanson, C., & Watt, S. (2011). Good practice in supervision and mentoring of postgraduate students: It takes an academy to raise a scholar. Hamilton, Ontario: McMaster University.
4Patel, N. H. (2015). Undergraduate internship program structures for effective postgraduation employability: A case study of a mass media arts internship program.
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