Home La santé mentale en contexte d’apprentissage Pourquoi il faut tenir compte de la santé mentale lors de la conception des programmes et du contexte d’apprentissage

Pourquoi il faut tenir compte de la santé mentale lors de la conception des programmes et du contexte d’apprentissage


Comme la conception des programmes d’étude détermine notamment la charge de travail et les dates de remise de travaux, influençant donc le niveau de stress et d’anxiété ainsi que le bien-être tant des étudiants et des étudiantes que du personnel enseignant (Dyjur, 2017), il s’agit d’un élément clé de la solution. Une approche intersectionnelle inclusive de conception des programmes prend en considération le bien-être mental des étudiants et des étudiantes, leurs origines culturelles et sociales ainsi que les politiques et les valeurs de l’établissement d’enseignement, le département concerné et les personnes qui composent le corps professoral (Dyjur, 2017). Concevoir un programme souple en utilisant le « design universel » (universal design) élimine la nécessité ultérieure d’effectuer ponctuellement de nombreuses adaptations individuelles (Bunbury, 2018). On peut offrir cette souplesse tant dans la structure des cours que dans la manière d’enseigner (Stanton et al., 2016). Les étudiants et les étudiantes ont souligné la valeur de cette souplesse et, en particulier, que lorsqu’un professeur ou une professeure est disposé à s’adapter et à faire preuve de souplesse quand ils vivent des difficultés, cela contribue à réduire leur stress et les aide à se concentrer sur la matière du cours (Stanton et al., 2016). Par exemple, on peut proposer une période de remise des travaux plutôt qu’une date butoir précise.

L’INTERSECTIONNALITÉ : L’intersectionnalité est une approche mettant en lumière les façons dont différentes formes d’inégalités s’articulent et se renforcent mutuellement (Steinmetz, 2020). Elle prend en compte le contexte dans lequel vivent les personnes ainsi que leurs diverses identités afin de proposer des programmes basés sur leurs besoins, leurs capacités et leurs expériences (Commission ontarienne des droits de la personne, n.d; Chaplin et al., n.d).

On peut de même éviter de faire porter un fardeau superflu tant aux étudiants et aux étudiantes qu’au personnel enseignant en s’assurant que les cours couvrent une quantité raisonnable de matière et proposent l’atteinte d’un nombre limité d’objectifs (Dyjur, 2017). Quand on conçoit un cours, le but ultime est qu’il s’adapte aux besoins des étudiants et des étudiantes en optimisant leurs apprentissages, sans que la personne qui le donne ait à accorder à certains un traitement différent (MacKean, 2011). Pour plus d’information à ce sujet et sur les façons d’incorporer aux programmes d’études des connaissances et des habiletés liées à la santé, voir à la suite la section sur l’intégration de contenu.

Il est également très important de permettre aux personnes de participer activement au cours et de créer des liens interpersonnels significatifs (Lane et al., 2018). Les étudiants et les étudiantes ont rapporté que la possibilité d’exprimer leur point de vue et de raconter leur expérience particulière contribuait à augmenter leur bien-être et le sens de leur valeur, et les aidait à atteindre les objectifs d’apprentissage. Le fait d’établir des liens favorables avec le personnel enseignant ainsi qu’avec leurs camarades de classe les aide à participer pleinement à la démarche d’apprentissage, notamment en prenant activement part aux échanges (Stanton et al., 2016, Dyjur, 2017).

De même, un contexte non hiérarchique propice à l’approfondissement des relations permet aux étudiants et aux étudiantes d’établir avec le personnel enseignant un lien de confiance, élément fondamental quand vient le temps d’offrir du soutien à une personne aux prises avec des problématiques de santé mentale (Morosanu et al., 2010). Bien qu’une personne qui vit une telle problématique peut hésiter à demander de l’aide à ce sujet, elle peut faire appel à un membre du personnel enseignant concernant des préoccupations scolaires; ces interactions représentent une occasion de remarquer certains signes de détresse qui peuvent être liés à des problématiques de santé mentale et, au besoin, de la diriger vers les ressources nécessaires. Intervenir ainsi, dès les premiers signes, pourrait faire en sorte qu’un plus grand nombre d’étudiants et d’étudiantes reçoivent les soins dont ils ont besoin (Gulliver et al., 2018).

Il peut aussi être utile d’incorporer aux cours un processus de rétroaction. Effectivement, les étudiants et les étudiantes indiquent que la possibilité de donner leurs impressions au cours de la session et le sentiment qu’elles sont bien reçues contribuent à ce qu’ils se sentent soutenus (Stanton et al., 2016). Ces moments de réflexion leur permettent aussi de prendre conscience des difficultés qu’ils rencontrent, donnant ainsi au personnel enseignant la chance de les aider à y faire face de façon constructive (Dyjur, 2017).

Tout comme d’autres études similaires qui recommandent une approche de promotion de la santé dans les collèges et les universités, la Charte de l’Okanagan (2015) révèle que c’est dans un contexte d’apprentissage sécurisant qui offre un soutien holistique que les étudiants et les étudiantes apprennent le mieux (Lane et al., 2019). Selon les principaux concernés, un contexte d’apprentissage sécurisant est caractérisé par l’absence de jugement lorsque quelqu’un commet une erreur ou émet une opinion divergente ainsi que par la possibilité de participer et d’être reçu d’une façon qui soit encourageante pour soi et pour les autres.

Lors de la conception des programmes, on gagne également à adopter l’approche de l’intégration de contenu (curriculum infusion) pour créer des cours centrés sur la santé mentale et le bien-être.

L’INTÉGRATION DE CONTENU : L’intégration de contenu renvoie au fait d’incorporer aux programmes d’études de l’information sur des problématiques liées à la santé sous forme de lectures, de travaux et de discussions (Riley et McWilliams, 2007).

Plaidoyer pour l’intégration de contenu en santé mentale aux programmes d’études

Qu’est-ce que l’intégration de contenu ?

L’intégration de contenu (IC) est une pratique d’enseignement de santé publique qui consiste à incorporer aux cours des activités d’apprentissage transmettant des informations fondamentales sur la santé, par exemple sur l’hygiène du sommeil, les rapports sexuels à risques réduits et la gestion du stress.

L’IC sensibilise les étudiants et les étudiantes à la question du bien-être et leur donne l’occasion d’approfondir leur réflexion à ce sujet, tout en améliorant et en renforçant le contenu des cours. Elle est ainsi cohérente avec la mission des établissements d’enseignement. Particulièrement en cette époque de COVID-19, il s’agit d’un outil important qui mobilise le personnel enseignant et lui donne l’occasion d’avoir un impact significatif sur la santé et le bien-être des étudiants et des étudiantes. On peut faire de l’intégration de contenu au niveau facultaire, départemental ou individuel en collaborant entre collègues et avec la communauté étudiante.

Obtenir le soutien de la direction et du corps professoral

Les programmes d’intégration de contenu qui se révèlent efficaces ont obtenu l’appui à la fois de la direction et du corps professoral de l’établissement d’enseignement en question.

Mobiliser la direction

Pour être efficace, un programme d’intégration de contenu doit obtenir l’appui de la haute direction. Cet appui peut être rendu manifeste par l’ajout de l’IC à la mission et à la vision ainsi qu’à la planification stratégique et aux engagements de l’établissement d’enseignement.

Plusieurs collèges et universités choisissent d’accorder de la valeur à la santé et au bien-être de leurs étudiants et de leurs étudiantes. Les personnes en poste de décision reconnaissent de plus en plus la nécessité d’inclure cette préoccupation dans toutes les dimensions du système universitaire ou collégial. Au Canada, par exemple, plusieurs universités ont adopté la Charte de l’Okanagan, s’engageant ainsi à :

  • intégrer la santé au fonctionnement quotidien, aux pratiques commerciales et au mandat d’enseignement;
  • mener des actions de promotion de la santé et établir des collaborations locales et mondiales à ce sujet.

La démarche de l’Université de Colombie-Britannique (UBC) illustre à quoi peuvent ressembler un cadre de travail stratégique et des engagements des instances de direction (voir les liens).

Mettre en place un programme d’IC peut aider à respecter ces engagements de façon innovante.

Mobiliser le corps professoral

Les personnes qui ont déjà commencé l’implantation de l’IC dans leur établissement d’enseignement savent que, pour être pleinement adoptée par les membres du corps professoral, cette pratique doit répondre à leurs besoins et leur laisser du jeu. Dans cet esprit, il est préférable de leur proposer diverses formules d’IC impliquant différents niveaux d’investissement afin qu’ils puissent choisir ce qui leur convient le mieux, tel que proposé dans la section « Comment réaliser l’intégration de contenu ».

Il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que professeurs et les professeures participent par simple bonne volonté ou intérêt personnel. Leur temps et leurs ressources sont déjà surexploités étant donné les nombreuses exigences liées à leur fonction : enseignement, supervision, recherche, service. Il est aussi possible qu’ils résistent à ce qu’ils percevraient comme « se faire dire quoi faire » quant à leur enseignement et à la structure de leurs cours. Il est important de souligner que ce n’est pas l’intention de l’IC. Cette démarche se veut plutôt une invitation à expérimenter de nouvelles façons d’enseigner et à offrir aux étudiants et aux étudiantes des occasions de développer des habiletés utiles dans la vraie vie. Il s’agit d’aborder des sujets qui peuvent réellement toucher les personnes, et ce, de façon à venir en renfort au contenu des cours.

Une instance de haut niveau qui accorde son soutien à une démarche d’IC peut favoriser l’adhésion du corps professoral. Plus encore, on doit communiquer clairement que le « retour sur investissement » sera concrètement favorable à ce dernier, en plus de profiter aux étudiants et aux étudiantes.

Voici des mesures qui favoriseront la participation des professeurs et des professeures à un programme d’IC :

  • Reconnaître la charge de travail additionnelle que cela représente en faisant en sorte qu’elle puisse remplacer d’autres tâches administratives normalement exigées de leur part.
  • Offrir aux personnes qui participent au programme d’IC des mesures incitatives externes ainsi que des privilèges liés au développement de leur carrière, par exemple des allocations, des subventions pour financer certaines activités effectuées en classe et des fonds de recherche pour des projets explorant les effets de l’IC.
  • Souligner la gratification intrinsèque liée à leur participation au programme, notamment au fait d’établir des liens à un autre niveau avec les étudiants et les étudiantes, et une plus grande satisfaction professionnelle.

Et d’autres idées pour favoriser leur adhésion :

  • Récompenser les personnes qui se démarquent en intégration de contenu par la création d’une bourse facultaire offrant, en plus d’une reconnaissance publique, une réduction de la tâche d’enseignement et un montant d’argent.
  • Faire la promotion du programme d’IC lors des rencontres d’accueil des nouveaux membres du corps professoral et en parler régulièrement dans les messages envoyés à l’ensemble du personnel enseignant.
  • Faire la promotion du programme d’IC lors des rencontres d’accueil des nouveaux membres du corps professoral et en parler régulièrement dans les messages envoyés à l’ensemble du personnel enseignant.
    • Il existe par exemple à l’UBC une communauté de pratique réunissant les personnes qui s’intéressent à la question.

[Source de cette section : Gabriella Szabo, Université Concordia (2020)]

Pourquoi envisager l’intégration de contenu (IC)

Pourquoi envisager l’intégration de contenu (IC) :

  • Enseigner de façon structurée des comportements favorables à la santé ainsi que les compétences essentielles qui y sont associées pallie les limites de la croyance voulant que les étudiants et les étudiantes les apprendront d’eux-mêmes.
  • La sensibilisation et la réflexion sur la santé et le bien-être permettent de renforcer la dimension théorique des cours et de la rendre plus attrayante.
  • Influencer ainsi les connaissances, les attitudes et les comportements des étudiants et des étudiantes réduit les risques que le stress et les problématiques de santé mentale portent atteinte à leur équilibre.
  • On renforce le « filet de sécurité » de l’établissement d’enseignement en montrant au corps professoral, aux assistants et aux assistantes de recherche et à la population étudiante à reconnaître les signes de détresse et comment intervenir efficacement et diriger les personnes en difficulté vers les ressources appropriées.
  • En établissant des liens entre les personnes qui fournissent les services en santé mentale et les étudiants et les étudiantes, ces derniers se sentiront plus à l’aise d’aller les consulter quand ils en auront besoin.
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