Défis et lacunes

Il existe très peu de données probantes dans la littérature sur les meilleures pratiques d’intervention en situation de crise en santé mentale dans les collèges et les universités. D’autant plus que les services de crise ont effectué un virage en ligne avec la pandémie, des circonstances inédites sur lesquelles les recherches ne font que commencer à paraître. Si on fait abstraction de la pandémie, les recherches existantes se penchent surtout sur la prévention, les équipes d’intervention comportementale et les partenariats avec les établissements et organismes hors campus. Plus précisément, l’importance d’une communication et d’une collaboration de près avec les différentes parties prenantes, tant sur le campus que hors campus, constitue un thème récurrent; une telle approche collaborative permet effectivement d’offrir un plus grand éventail de ressources à la population étudiante et d’apprendre des points de vue de chacune afin d’améliorer les programmes et la prestation de services (Drum, Brownson, Denmark & Smith, 2009).

On ne trouve nulle part de recherche sur l’efficacité des mesures d’intervention de crise présentement en place, y compris les soins en ligne qui sont prévalents. Étant donné l’ampleur de la problématique, on observe un manque de suivi et d’évaluation de ces mesures. On ne peut que souligner le besoin d’une meilleure évaluation des protocoles existants ainsi que d’une approche globale de l’intervention de crise en santé mentale.

The JED FoundationEn 2006, pour pallier l’absence de consensus parmi les établissements d’enseignement postsecondaire sur les éléments d’une bonne gestion de crise en santé mentale, la Jed Foundation a publié le Cadre de travail pour élaborer des protocoles institutionnels à l’intention des étudiants et des étudiantes en grande détresse ou suicidaires (Framework for Developing Institutional Protocols for the Acutely Distressed or Suicidal College Student) (The Jed Foundation, 2006). Selon ce document, voici les éléments importants à déterminer lors de l’élaboration d’un protocole de sécurité :

  • Le rôle des différents employés de l’établissement d’enseignement, et qui devra assumer la responsabilité ultime de l’intervention de crise;
  • À quel moment les étudiants doivent signer un formulaire de consentement au partage d’information et quand impliquer dans le dossier le médecin de l’étudiant (hors campus), s’il en a un;
  • Comment offrir de l’aide aux étudiants en crise en dehors des heures ouvrables;
  • Comment déterminer si l’hospitalisation est la meilleure option;
  • S’il y a une entente avec les hôpitaux locaux;
  • Quel est le processus de transport des étudiants vers l’hôpital.

Ce cadre de travail met l’accent sur la collaboration avec les différentes parties prenantes sur le campus et hors campus. Même s’il a été publié il y a plus d’une décennie, il s’agit d’une bonne illustration de la conception selon laquelle la santé mentale de la population étudiante est un enjeu touchant à la fois les établissements d’enseignement et les ressources hors campus. Cela s’aligne bien avec le changement d’approche qu’on observe actuellement : on cherche désormais à mobiliser tout le personnel des établissements d’enseignement et à améliorer la littéracie en santé mentale de tous les acteurs des campus ainsi que leur connaissance des ressources. De plus, ce cadre de travail propose des mesures de prévention du suicide visant à relier les personnes qui demandent de l’aide aux ressources offertes; cela étant dit, il reste souvent de longs délais d’attente qui contribuent au grand nombre de crises en santé mentale. Les services de counselling étaient déjà dépassés par le phénomène avant la pandémie, et celle-ci a fait exploser la demande. Il est également important de reconnaître les effets exacerbés des traumatismes par ricochet vécus par le personnel des ressources d’aide dans le contexte de la pandémie. Le Cadre de travail souligne les enjeux dont tenir compte lors de la rédaction d’un protocole par rapport au suicide, mais ne propose pas de démarche concrète pour l’implanter. Cela est représentatif de l’état actuel de la recherche et des interventions : il n’existe pas de meilleures pratiques établies pour favoriser la santé mentale sur les campus selon une approche globale.