Je ne suis pas formée pour ça – La perspective d’une étudiante postdoctorale

L’adaptation des fournisseurs de service au modèle de soins par paliers a généralement été une expérience favorable, avec certaines variations. Comme tout changement important, la mise en place de cette nouvelle approche peut d’abord susciter des réserves ou de la résistance. Étant donné que plusieurs des programmes de formation ne préparent pas les cliniciens et les cliniciennes à appliquer des modèles de thérapie souple en une seule séance (voir notamment Hoyt & Talmon, 2014), il peut être utile de rechercher les occasions de perfectionnement professionnel en ce sens pendant la période de transition. Voici l’expérience d’une conseillère post-doctorante :

« J’ai parlé aujourd’hui à ma directrice de mon anxiété, de mon malaise et de mon incertitude au sujet du nouveau modèle de soins par paliers. Je lui ai dit que je me sentais incertaine quand venait le temps de rencontrer les clients parce que je sentais la pression de suivre le modèle parfaitement pour ne pas leur causer de tort. En plus, ce modèle me semblait contraire aux meilleures pratiques que j’ai apprises récemment aux études supérieures. On m’a appris que le processus thérapeutique prend du temps et qu’il faut respecter le rythme des clients. Ce que j’avais compris du modèle de soins par paliers, c’est que je devais prescrire quelque chose aux clients immédiatement et que, malheureusement selon moi, peu d’entre eux suivraient une vraie thérapie, simplement parce que je n’aurais pas le temps de les rencontrer.

« Je voyais tellement d’éléments entrant en contradiction avec ma pratique habituelle : trop de renseignements, des procédures à suivre, des décisions à prendre pour le client. Je sentais de la pression à intégrer toute cette information pour être en mesure d’offrir ce qu’on attendait maintenant de moi. Au début, je ne voyais pas clairement ce qui causait mon anxiété, étant donné qu’auparavant je me sentais en confiance avec mon approche thérapeutique. J’ai ensuite réalisé que j’étais frustrée parce que la part de moi qui avait travaillé si fort pour être une bonne thérapeute n’avait plus sa place !

« En pleurant, j’ai pu partager ces émotions et ces incertitudes avec ma directrice. Après m’avoir demandé d’où venait mon anxiété et entendu que c’était un sentiment nouveau pour moi, elle m’a dit qu’elle lui semblait normale dans le contexte de la mise en place d’un modèle de service complètement nouveau. Elle a sans tarder proposé un jeu de rôle (en passant, je n’aime pas beaucoup les [ 31 ] jeux de rôle, mais j’ai consenti parce que j’étais désespérée et que je lui faisais confiance). Je me sentais anxieuse à jouer le rôle de la conseillère. J’ai essayé de déterminer quel était le problème de la cliente et je lui ai offert différentes options du modèle par paliers. J’essayais tellement de bien faire ! Dès que j’ai eu terminé, j’ai vu que j’avais omis certains éléments parmi les plus importants : me relier au client, être présente. J’avais été trop directive et froide. Nous avons échangé les rôles.

« Ma directrice, dans le rôle de la thérapeute, m’a offert plusieurs possibilités. Après avoir écouté les préoccupations que j’ai exprimées en tant que cliente, elle m’a présenté les différents services en utilisant l’analogie d’une foire alimentaire : il y a plusieurs restaurants et c’est à moi de choisir. Je n’ai pas senti que je devais magasiner un service ni qu’on me refusait ce que je demandais. En fait, dans le rôle de la cliente, je me suis sentie soutenue pour prendre ma décision et l’assumer. J’ai reçu l’information comme quoi la thérapie individuelle offerte était de courte durée, mais intensive et exigeante. J’ai senti que j’étais entendue et, surtout, que mon pouvoir d’agir était renforcé. Je n’étais pas certaine pourquoi je me sentais ainsi.

« Nous avons fait un retour sur le jeu de rôle et j’ai réalisé qu’en tant que cliente, je me sentais soulagée d’entendre qu’il existait différents dosages de solutions thérapeutiques. Je sentais mon pouvoir d’agir renforcé par le fait que la conseillère m’invitait à participer à la décision concernant le traitement à choisir. Enfin, entendre franchement que le processus de thérapie en tant que tel est difficile et que je devrais assumer la responsabilité du travail à faire m’a donné confiance en son expertise et sa compétence. J’ai senti un changement important en moi. Cette expérience d’être considérée avec soin et sensibilité, de façon honnête et efficace, a nourri ma confiance. Ma directrice m’a encouragée à faire appel à ma sensibilité et à mon authenticité, des qualités que j’ai développées pendant ma formation et qui font de moi une bonne thérapeute. Je crois maintenant que je vais trouver une façon d’être la même bonne thérapeute dans le contexte du nouveau modèle.

« J’ai dit à ma directrice que j’avais peut-être besoin de revoir ma conception d’une bonne thérapie et d’un bon thérapeute. Au fond, j’ai toujours eu la conviction que la thérapie était un processus exigeant dans lequel c’est le client qui fait le travail. Mon rôle est simplement de l’accompagner dans le processus. Si la thérapie vise à aider le client à retrouver le pouvoir de donner du sens à sa vie et d’assumer ses propres décisions, je peux maintenant voir que c’est exactement ce que propose le modèle de soins par paliers. »