L’importance de problématiser la résilience

Version éditée publiée à l’origine dans le cadre du projet « Thriving in the Classroom », rendu possible par eCampusOntario.

Soutenir et renforcer la résilience du corps étudiant est devenu un concept populaire dans le domaine de la réussite étudiante. Mais aucun concept n’est parfait tel quel. Il est important pour nous d’examiner en profondeur les concepts que nous utilisons pour soutenir la réussite étudiante. Dans cette section, nous prendrons le temps de problématiser certains des piliers de la résilience afin d’améliorer notre compréhension du concept.

Maintenir le statu quo

Le travail de résilience consiste souvent à donner aux gens les compétences et le soutien nécessaires pour revenir à ce qui est considéré comme la normalité/la base après une expérience difficile. Lorsque l’on aide les étudiants-es à revenir à cette normalité, il convient de s’interroger sur certains points :

Quel est l’objectif des programmes, des outils, etc. de résilience que nous mettons en œuvre ? Espérons-nous que les circonstances restent les mêmes pour les étudiants-es ou voulons-nous qu’elles s’améliorent ? Il est important de se demander si notre normalité/base actuelle est celle que nous voulons vraiment maintenir (Cai, 2020). Nous devons également nous demander s’il est juste de demander aux étudiants-es d’effectuer le travail de changer ou de croitre personnellement, pour ensuite se retrouver dans le même système qui n’a peut-être pas offert un soutien adéquat (Prowell, 2019 ; Moulton et Machado, 2019). Lorsque nous nous engageons dans le travail de résilience sur le campus, l’un de nos objectifs devrait être la croissance, à la fois pour nos corps étudiants et pour nos campus de manière plus générale (Moulton et Machado, 2019).

Il est important d’être conscient-e du langage utilisé dans notre travail avec les étudiants-es sur la résilience, car il peut souvent contribuer à maintenir le statu quo de notre système actuel et à entraver le changement (Taylor, 2018). Chaque fois que nous le pouvons, nous devrions essayer de faire l’effort de veiller à ce que le langage que nous utilisons ne contribue pas à ralentir le mouvement vers un changement systémique sur nos campus. Un exemple de ce langage serait de mettre l’accent sur les « déficits » des individus plutôt que sur les problèmes structurels des systèmes de nos campus (Sehgal, 2015). Les outils de résilience, tels que « Thriving in the Classroom » (TiC), sont l’occasion d’introduire un nouveau langage susceptible de modifier les conversations et de permettre un changement systémique.

Changement systémique et contexte

Le travail de résilience dans le contexte de l’enseignement postsecondaire a eu tendance à se concentrer sur le changement individuel. De ce fait, il incombe aux étudiants-es de s’engager dans le système pour effectuer le travail difficile du changement, plutôt que de faire en sorte que le système soit soumis à des changements significatifs en même temps que le corps étudiant. Voici quelques éléments à prendre en compte en ce qui concerne le changement systémique et le contexte postsecondaire :

Le travail de résilience que nous entreprenons devrait s’inscrire dans le cadre du travail sur le changement systémique. Ce travail doit être spécifique au contexte postsecondaire, car le contexte dans lequel nous vivons et travaillons à un impact sur notre capacité à développer et à appliquer la résilience (Matlin, Forrester & Ensor, 2018). Par exemple, notre travail sur le développement de la résilience académique du corps étudiant devrait être lié à des changements de politique, tels que l’octroi de délais de grâce pour les devoirs. Rien n’est jamais vraiment neutre (Fletcher & Sarkar, 2013). Les personnes, et les systèmes dans lesquels elles vivent, sont interconnectés (voir le modèle socio-écolowgique). Ainsi, comprendre et adapter notre travail de résilience à son contexte en utilisant des outils tels que la trousse d’outils TiC peut nous aider à nous engager dans un changement systémique tout en travaillant à soutenir la résilience étudiante dans le contexte du campus.

Nous devons comprendre que des facteurs internes (personnels) et les facteurs externes (environnementaux) contribuent à la résilience et qu’ils fonctionnent ensemble (Taylor, 2018 ; Ungar, 2019). Nous ne pouvons pas uniquement positionner le travail de résilience dans le changement individuel. Il faut aussi le positionner dans l’environnement. Nous devons toujours nous poser 2 questions lorsque nous effectuons ce travail : premièrement, comment les étudiants-es peuvent-ils/elles se soutenir eux-mêmes ou elles-mêmes afin de s’épanouir et, deuxièmement, comment pouvons-nous remettre en question/changer l’environnement pour permettre au corps étudiant de s’épanouir (Fletcher & Sarkar, 2013) ?

Dans certains cadres de résilience, certaines populations sont souvent considérées comme plus susceptibles d’être moins résilientes et ce risque est centré sur leur identité. Cette façon de penser ne tient pas compte des systèmes dans lesquels vivent les étudiants-es. Nous devons nous rappeler comment ces risques ont été créés initialement, le plus souvent à partir de systèmes qui désignent les personnes ayant certaines intersections (par exemple, racialisées, en situation de handicap, queer) comme étant « autre » (Moulton & Machado, 2019 ; Cai, 2020).

Dynamique du pouvoir

Dans les établissements d’enseignement postsecondaire, une grande partie du travail de résilience a été présenté comme un travail des membres du personnel, permettant au corps étudiant de devenir résilients grâce à l’enseignement de certaines compétences. Cela suppose que le personnel est le seul à avoir des connaissances à apporter, ce qui n’est pas le cas (Prowell, 2019). Lorsque l’on considère la résilience et la dynamique du pouvoir, il convient de réfléchir aux points suivants :

La résilience devrait être considérée comme un apprentissage collectif, une croissance et une autonomisation, au lieu de simplement enseigner des compétences aux étudiants-es ou de les remettre sur pied (Leonard, 2020 ; Moulton et Machado, 2019). Ce changement de mentalité nous aide à comprendre que tout le monde a quelque chose à apprendre lorsque nous nous engageons dans la pratique de la résilience sur le campus.

Le langage que nous utilisons et les discours que nous tenons sur la résilience ont une portée. Le langage façonne nos identités et les types de discussions que nous sommes prêts-es à avoir (Prowell, 2019). Si nous pouvons commencer à changer et à être ouverte-e à l’utilisation d’un nouveau langage, nous pouvons commencer à avoir des discussions nouvelles et perspicaces sur le changement systémique sur le campus.

Dans le travail de résilience, l’équilibre des pouvoirs se trouve dans le système en raison de l’impact qu’il a sur les individus et des contraintes personnelles qu’il peut créer pour eux via les interactions avec l’environnement du campus (Ungar, 2019). Bien que le corps étudiant (ainsi que le personnel et le corps enseignant) ait la capacité d’apporter des changements, ce qu’il peut faire est intrinsèquement lié au type d’environnement du campus dans lequel il se trouve.

Browse Infosheets