Impact de la violence sexuelle sur la santé mentale
Réactions aux traumatismes
Il existe quatre réactions courantes à un événement traumatique tel que la violence sexuelle, souvent appelées les quatre « F » du traumatisme : fight (combat), flight (fuite), freeze (figement) et fawn (flatter). Il s’agit de quatre états différents du système nerveux que le corps choisit en fonction de ce qu’il considère comme la meilleure stratégie pour assurer la sécurité du ou de la survivant-e. Ces réactions représentent des réponses corporelles tout à fait normales à des circonstances extrêmes. Il est important de reconnaître que le corps entre également dans ces états lorsque le souvenir du ou de la survivant-e d’un traumatisme est déclenché.
Lorsque le corps vit un événement traumatisant, comme une agression sexuelle, le cerveau conserve certains aspects de ce souvenir ainsi qu’un certain nombre de signaux provenant de l’environnement interne et externe. Lorsque l’un de ces indices environnementaux est évoqué après le traumatisme, la personne survivante peut réagir comme si l’événement traumatique se produisait en temps réel, avec l’une des quatre réactions au traumatisme. Ce phénomène, communément appelé « élément déclencheur », est l’un des effets à long terme les plus importants d’une expérience traumatique. Certains déclencheurs peuvent être identifiés et facilement évités, mais d’autres peuvent souvent prendre le ou la survivant-e au dépourvu.
Les flashbacks et les cauchemars sont une autre façon pour les survivants-es de revivre leur traumatisme. Les flashbacks sont souvent très vifs et peuvent donner l’impression que l’expérience se déroule réellement. Dans ces cas, le cerveau tente de donner un sens à l’expérience traumatisante en l’intégrant dans des schémas du monde. Cette tâche, compte tenu de la nature choquante et marquante de l’agression sexuelle, est particulièrement difficile pour le cerveau, ce qui l’amène à évoquer l’expérience plus souvent. Les flashbacks sont souvent des expériences brèves, qui ne durent que quelques secondes, mais les effets émotionnels d’un flashback peuvent persister pendant des heures.
Les déclencheurs et les flashbacks ne sont que quelques-uns des problèmes de santé mentale qui peuvent affecter un-e survivant-e longtemps après son expérience traumatique. Voici d’autres problèmes de santé mentale à long terme couramment associés à un traumatisme.
- Vigilance accrue : Parfois appelée hyperexcitation ou hypervigilance, la vigilance accrue se caractérise par des difficultés à dormir et à se concentrer, des tremblements, des tensions musculaires et une tendance à sursauter facilement. Les personnes qui ont vécu un événement traumatisant, comme une agression sexuelle, peuvent avoir une vision déformée du monde comme étant rempli de dangers, ce qui amène leur corps à être en état d’alerte en tout temps. Si cette vigilance accrue peut être utile dans une situation dangereuse, elle peut nuire au système de stress de l’organisme lorsqu’elle se poursuit même dans des situations sûres. La vigilance accrue peut persister pendant des années après la survenue d’un traumatisme.
- Dissociation: Il s’agit d’un processus mental qui déconnecte les pensées, les souvenirs, les sentiments, les actions et/ou le sentiment d’identité d’une personne, et qui se caractérise par des yeux fixes ou « glacés », un affect aplati, des périodes de silence et une voix monotone. La majorité des personnes ont déjà fait l’expérience de la dissociation, par exemple en arrivant au travail sans aucun souvenir de leur trajet. Cependant, la dissociation peut aussi être une réaction au stress et au traumatisme, comme un élément de protection qui déforme le temps, l’espace ou l’identité du ou de la survivant-e. La dissociation protège le ou la survivant-e en l’éloignant de l’expérience vécue, comme un mécanisme de survie. Ce symptôme peut devenir très envahissant et conduire au trouble dissociatif de l’identité.
- Chagrin & dépression : Les victimes de violences sexuelles peuvent se sentir déprimées, tristes et/ou désespérées après leur traumatisme, et se mettre à pleurer plus souvent. Elles peuvent également se désintéresser des personnes et des activités qu’elles appréciaient auparavant ou avoir l’impression que les projets qu’elles avaient pour l’avenir n’ont plus d’importance. Ce sont des expressions courantes du chagrin et de la dépression.
- Automédication : Selon la théorie de l’automédication d’Edward Khantzian, les survivants-es choisissent des substances en fonction de leurs effets spécifiques, par exemple, pour bloquer les souvenirs, les pensées et les sentiments douloureux liés au traumatisme, ou pour gérer les effets de la dépression. Certains-es survivants-es peuvent consommer de l’alcool ou des drogues pour essayer d’améliorer leur sommeil ou d’oublier leurs cauchemars. La consommation de substances peut varier en fonction d’un certain nombre de facteurs, tels les symptômes les plus prononcés du traumatisme. La consommation chronique de substances peut avoir un impact sur le rétablissement du traumatisme et peut causer ses propres problèmes.
- Pensées intrusives : Il s’agit de pensées et de souvenirs associés au traumatisme que les survivants-es peuvent ressentir sans avertissement ni désir, avec ou sans la présence d’un élément déclencheur. Ces pensées et ces souvenirs peuvent survenir très rapidement, ce que l’on appelle le « flooding », et peuvent être très perturbants pour la personne concernée.
- Dérèglement émotionnel : Certains-es survivants-es de violences sexuelles peuvent rencontrer des difficultés à réguler leurs émotions et peuvent se tourner vers des comportements à haut risque ou autodestructeurs pour se réguler. Par exemple, les survivants-es peuvent souffrir de troubles de l’alimentation, de dépendance aux jeux d’argent, de surmenage et de répression des émotions. En général, le stress traumatique se présente sous la forme de deux extrêmes émotionnels : soit un sentiment trop fort, qui conduit à l’accablement ; soit un sentiment trop faible, qui conduit à l’engourdissement.
*Encadré : Un grand nombre des symptômes énumérés ici peuvent également être liés à un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Les survivants-es de violences sexuelles courent un risque élevé de développer un SSPT. Cependant, même en l’absence d’un tel diagnostic, ces symptômes peuvent avoir un impact sur les survivants-es de violences sexuelles.